Petite réflexion personnelle. Peut-être essentielle ?
«…Dans le monde de demain, où la flexibilité cognitive sera un atout majeur pour les jeunes qui la possèdent, le Valais peut-il jouer une carte unique en unissant deux mondes encore bien vivant en lui ; son monde rural, terrien avec ses racines, son bon sens, son patrimoine bien vivant, ses valeurs d’ancrage fortes peut-il se marier, autrement que contraint, avec le monde actuel, dynamique, instable, intellectuel, numérique dont il abrite des acteurs forts et reconnus aujourd’hui au travers de ses Hautes Ecoles et de l’usage des nouvelles technologies ? ….»
Jean-Pierre Rey,
conclusion du discours introductif au parlement des jeunes 2016
Trois événements de la semaine, apparemment sans liens, m’inspirent la réflexion de ce billet : la vision du Marrakech du rire 2015, un cours donné sur l’intelligence émotionnelle à des futurs informaticiens de gestion, et, dans le cadre d’une rencontre d’échange libano-valaisan, la participation à une table ronde sur le tourisme culturel.
Dans la soirée d’échange autour du tourisme culturel, un panel de personnes valaisannes, impliquées de manière large dans le monde culturel[1] ont présenté leur vision de la culture, quelques actions entreprises ainsi que les difficultés et réussites vécues pour animer et pour faire vivre la culture dans notre région. Différentes définitions de la culture ont été dessinées, montrant ainsi la richesse de perceptions et de compréhensions qui se cache derrière ce simple mot.
A un moment donné, une question d’une participante libanaise a montré ce qui me semble être la principale difficulté qui sous-tend un développement durable de ce tourisme culturel et expérientiel chez nous:
Quelles sont les valeurs que vous pouvez partager ?
Partager pas dans un sens unidirectionnel uniquement axé sur une communication vers l’externe mais également dans une notion d’échange.
Cette question essentielle est, pour moi, restée sans réponse satisfaisante pour toutes et tous.
L’identité propre et attractive de notre région nous semble inconnue. Ne l’avons- nous pas perdue en voulant imiter un développement touristique et économique dirigé et inspiré par « l’extérieur » ? Ce développement, qui a eu le mérite immense de sortir notre canton de notre immense pauvreté matérielle, ne contribue-t-il pas aujourd’hui à nous éloigner de notre essence propre ?
Pour illustrer ce désalignement probable, je prendrai une analogie, évidemment incomplète, liée à la culture d’une terre.
Le terreau de notre jardin a une composition qui lui est propre ; nous ne pouvons pas y faire pousser n’importe quoi, certaines essences semées ne vont pas se développer malgré tous les soins, naturels et artificiels, que nous pourrions lui donner. Le premier élément consiste donc à connaître finement la composition et la fertilité du terreau ainsi que les essences qui pourront y germer et se développer avec aisance (les valeurs profondes). Ensuite, des graines sont semées. Et pour qu’elles se développent, un élément qui me semble essentiel est de contribuer, avec tous les bons soins possibles (arroser judicieusement, ôter les « mauvaises » herbes et éléments qui pourraient freiner son développement, peut-être élaguer, etc.), au fait qu’elles puissent croître. Sans oublier la patience, sans arracher toutes les plantes parce qu’elles ne poussent pas assez vite, ni semer tout et n’importe quoi pour donner l’impression que le jardin est bien rempli….mais au final ne produit pas ou peu de légumes ou de fruits… Ce deuxième point ne nécessite-t-il pas également de connaître finement ce que nous voulons et pouvons faire grandir ?
Dans les billets hebdomadaires de mon blog, j’ai souvent écrit sur la notion d’identité propre, qu’elle soit personnelle, d’entreprise ou régionale. Depuis quelques années, le monde moderne nous défie sur cette notion d’identité propre car, il nous stimule, nous tente, nous vend d’autres manières de faire et d’être en utilisant de grands moyens marketings. Je trouve cette ouverture au monde salutaire, mais elle demande de savoir déterminer (et re-déterminer régulièrement) ce qui est important pour nous pour que l’intégration de ces ouvertures puisse se réaliser avec aisance ; ceci me semble valable, tant sur un plan privé, que professionnel ou sociétal.
A mon avis, vivre et être conscient de ses valeurs profondes fournit deux éléments majeurs et peut-être intéressants: le « sens » compris comme le pourquoi qui motive toutes nos actions ; et le « sens » compris comme la direction à suivre. La même analogie peut être faite en utilisant le « je suis » (i am) et le « je suis » (i follow)[2].
Ce point de vue vous parle-t-il ? Résonne-t-il en vous ?
De manière pragmatique, j’ai constaté que dans notre monde moderne tellement complexe et imprévisible, qu’il était quasiment impossible que cette redéfinition régulière d’une identité propre puisse être conduite par les personnes mêmes qui dirigent nos entreprises ou nos institutions politiques : car ces personnes sont souvent tellement noyées dans de l’opérationnel qu’il leur est très difficile d’œuvrer en même temps sur un plan plus « essentiel ». Or aujourd’hui, il est souvent demandé à ces personnes d’être des surhommes qui savent tout faire, qui comprennent tout et qui, en même temps, peuvent dessiner un futur durable. Peut-être, qu’en ayant conscience de cette difficulté, certains modèles d’organisation pourraient être repensés, par exemple, en intégrant la richesse existante au sein des communautés et des personnes souvent anonymes qui les composent ? Ou, par exemple, en se basant sur une démarche, réalisée il y a 4 ans avec un regard extérieur autour d’un travail identitaire pour la marque Valais[3]. Repartir sur cette base pour réfléchir à notre identité locale pourrait être possible ?
Pour terminer, je reviens sur le point de départ de mon billet : le lien entre les 3 points semblant non-corrélés.
J’ai été profondément touché par l’attractivité du Marrakech du rire. Et j’ai ressenti fortement l’authenticité et le vécu fort des valeurs profondes qui se dégage de cet événement. Et depuis plusieurs années. Dans le cours donné aux étudiants, nous évoquions le fait que l’émotion est une énergie invisible que nous pouvons pourtant ressentir dans toutes nos cellules (rappelez-vous une grosse colère, une grand peur ou une tristesse profonde). La culture ne se joue-t-elle pas uniquement au niveau émotionnel ou spirituel ? Donc invisible ? Et l’attractivité que nous pouvons avoir, elle aussi invisible, ne vient-elle pas simplement du rayonnement naturel que nous avons lorsque nous exprimons pleinement et simplement qui nous sommes vraiment et pas qui nous aimerions que les personnes extérieures nous voient ? Lorsque vous avez été profondément touché et que vous avez profondément envie de revenir dans un lieu ou dans une manifestation, n’était-ce pas uniquement parce que vous avez senti quelque chose d’intangible mais qui vous attirait ?
Pour inspirer votre réflexion, je vous invite à visualiser le montage, bien de notre région, qui invite à « aller plus haut »: https://vimeo.com/161149601 .
Belle semaine !
Jean-Pierre Rey, le 28 mai 2016
[1] culture locale ou plus élitaire, différentes formes de cultures (livres, art, musique, patrimoine, etc.), personnalités politiques, etc.
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